INTERVIEW – AVRIL 2022
Décloisonner la santé, prendre en charge le patient dans sa globalité… voilà qui décrit le travail de la Maison médicale La Passerelle, installée en Outre-Meuse (quartier de Liège). Leur projet, soutenu par la Wallonie dans le cadre des Stratégies concertées Covid, est profondément ancré dans cette action communautaire qu’ils développent depuis plus de vingt ans. C’est ce que nous a expliqué Donatella Fettucci, coordinatrice et animatrice, avant de nous faire découvrir l’une des activités proposées par la Maison médicale.
Cette crise sanitaire a durement touché votre public. Racontez-nous…
Donatella Fettucci : « La Covid a eu de multiples impacts sur notre patientèle, tant au niveau psychologique que physique, mais aussi en termes financiers. La précarité s’est exacerbée et a touché de nouvelles couches de la population. On a vu des pathologies interdépendantes s’aggraver pendant cette période. Nous avons également constaté une rupture du lien social pour une grande partie de la population, et une augmentation de la violence dans les ménages.
À certains moments, les mesures sanitaires étaient très changeantes et cela a beaucoup déstabilisé notre population. En février 2021 déjà, avec plusieurs acteurs d’Outre-Meuse, nous avions tiré la sonnette d’alarme. On est en avril 2022 et ces impacts persistent toujours. On constate par exemple une difficulté à revenir dans les activités pour certains, et une augmentation de l’agressivité dans la population. »
Face à ces constats, vous avez décidé de proposer des activités de groupe ?
Donatella Fettucci : « En fait, c’est un peu notre job depuis le départ. La Maison médicale La Passerelle est née en 1985. C’est la plus ancienne des maisons médicales liégeoise en milieu urbain. Depuis 1996, elle a commencé à mettre en place des activités de santé communautaire pour travailler sur les déterminants non médicaux de la santé : le lien social, l’alimentation, les activités sportives, le bien-être…
Donc c’est une habitude et une réflexion ancrée au sein de notre institution depuis longtemps. Nous travaillons à déconstruire cette image de la santé curative, médicale, au profit d’un état de bien-être global comme la définit l’OMS. Ici, à la Maison médicale, nous prenons en charge le patient dans sa globalité, avec une équipe pluridisciplinaire. »
Comment choisissez-vous les activités à proposer ?
Donatella Fettucci : « Nous collaborons beaucoup avec des structures-ressources proches du quartier. Dans le cadre des Stratégies concertées Covid, nous proposons du yoga en partenariat avec une asbl du quartier, différentes activités sportives qui sortent de l’ordinaire comme des séances d’escalade, des balades nature avec La Cité s’invente, des stages d’autodéfense avec le Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion (CVFE)…
Quand nous mettons en place des projets et des activités, nous essayons toujours de partir des besoins de la population. Par exemple, comme nous vivons dans un quartier très bétonné, il y a peu d’espaces verts susceptibles d’offrir de l’apaisement. C’est pourquoi nous organisons ces balades nature et des activités apaisantes comme le yoga.
Nous choisissons aussi ces activités parce que l’on sait qu’elles vont contribuer à une prise en charge globale au niveau du bien-être psychologique et physique des personnes, et leur permettre de renouer du lien social grâce au fait d’appartenir à un groupe.
Cela va encourager une prise en charge globale de soi dans une dimension plus collective. Nous tenons beaucoup à cet aspect, pour que les patients puissent eux-mêmes, à un moment donné, devenir autonomes ou être moins dépendants des structures de soins. C’est pour cela que les balades, par exemple, ne se font jamais très loin de notre quartier. Les patients pourront peut-être un jour y aller par eux-mêmes, ou créer des groupes pour y aller ensemble. »
Comment réagissent les patients à votre offre d’activités ?
Donatella Fettucci : « De manière assez positive. Pour le cours de yoga, il y a une très forte demande de la part des patients de la Maison médicale. Il y a une liste d’attente de trente personnes. »
Comment expliquez-vous cet engouement ?
Donatella Fettucci : « Un travail est mené en amont par les professionnels de la santé de la Maison médicale, qui en parlent avec les patients lors des consultations.
Et en général, le yoga et la relaxation ne sont pas financièrement accessibles à tout le monde. C’est un réel frein pour nos patients. Grâce aux subsides que nous avons reçus, nous avons pu proposer des cours gratuits. De plus, c’est organisé ici, dans le quartier, et les patients connaissent la personne qui dispense les cours de yoga. Tout cela crée une réelle accessibilité, et je pense que c’est aussi pour cela qu’ils y répondent très positivement. »